Démocratie et république - 1ère partie
Ceux qui aiment leurs semblables ne peuvent pas ne pas s'intéresser à la société humaine et à son organisation - sujet d'étude central des sciences politiques. Le consensus actuel est que le meilleur système de gouvernance de la société humaine est la démocratie. En même temps, les responsables politiques français adorent invoquer "la République" à tout bout de champs, et "les valeurs républicaines", qu'ils prennent cependant rarement le risque d'énumérer clairement. Quel est le rapport entre la démocratie et la République - est-ce que la République c'est la démocratie, est-ce que les deux notions sont interchangeables ?
Intéressons-nous d'abord à la démocratie. Des faits récents qui devraient interpeller - suite aux "printemps arabes", des pays comme la Tunisie et l’Égypte ont eu l'occasion de passer de l'autocratie militaire à la démocratie. Avant eux, suite à la (deuxième) guerre d'Irak, les Américains avaient organisé des élections libres et démocratique et aujourd'hui l'Irak est, du moins théoriquement, une démocratie ... Force est de constater que les résultats de ces trois expériences sont assez loin d'être convaincants. On peut dire que des trois, la Tunisie a vécu le transition ... le moins mal. L'Irak démocratique ne fait pas vraiment envie aux irakiens, dont une majorité pense que les choses allaient mieux du temps de Saddam Hussein. Enfin la population égyptienne a largement cautionné l'abandon de la démocratie, qui avait abouti à l'installation d'un gouvernement inepte, et le retour à l'autocratie militaire.
Dans la démocratie, telle que largement comprise aujourd'hui, tout individu en âge de voter dispose d'une voix, ces voix servent à élire des législateurs qui ensuite désignent un pouvoir exécutif. Ce système possède des faiblesses structurelles, qui sont connues depuis longtemps et qu'illustrent toute une série de citations d'hommes politiques majeurs. Ainsi Winston Churchill: "la démocratie est la pire forme de gouvernement, mis à part toutes les autres qui ont été essayées" et encore "le meilleur argument contre la démocratie est une conversation de cinq minutes avec l'électeur moyen". Bien avant lui, Thomas Jefferson dit: "la démocratie n'est rien d'autre que la loi de la foule, où cinquante-et-un pourcent du peuple peut nier les droits des autres quarante-neuf pourcent." A la même époque, Benjamin Franklin avertissait: "la démocratie, c'est deux loups et un agneau en train de voter pour savoir ce qu'ils vont manger au déjeuner."
Ces citations restent d'actualité et mettent en évidence le plus grand risque dans un système démocratique: qu'une majorité vote en faveur d'une action ou d'une politique qui est nuisible à l'intérêt des plus faibles, voir à l'intérêt général à moyen et long-terme. Cela n'est pas nécessairement le résultat d'une "dictature de la majorité", comme illustré dans la citation de Jefferson lorsque la majorité agirait délibérément contre les intérêts de la minorité mais peut hélas se produire même lorsqu'une majorité de gens votent avec les meilleurs intentions en faveur d'une politique qu'ils pensent sincèrement être une bonne politique, une politique bénéfique à l'intérêt général.
C'est ce dernier cas de figure qui m'inquiète plus particulièrement car je pense qu'il se produit déjà assez souvent et que le risque que cela continue s'accroît au fil du temps. Il y a au moins deux cas de figure qui sont propices à ce qu'un tel risque se matérialise: lorsqu'un "agent extérieur" réussit à influencer et persuader une majorité d'électeurs d'une chose qui est fausse. Cet "agent extérieur" peut être facilement visualisé dans la peau d'un(e) démagogue populiste - il suffit de rappeler qu'en 1933 le peuple allemand a démocratiquement élu Adolphe Hitler comme chancelier. Mais il peut également s'agir d'un évènement qui "marque les esprits" et suscite une réaction émotionnelle forte. Au risque de créer une polémique, je citerai ici la catastrophe de Fukushima qui a déterminé la chancelière allemande à annoncer une sortie programmée de l'Allemagne du nucléaire et la catastrophe des réfugiés syriens qui a mené la chancelière allemande à ouvrir unilatéralement et soudainement les portes de l'Europe à plus d'un million de réfugiés, sans grande préparation et sans grande consultation avec ses partenaires.
Tout cela n'est absolument pas une façon de dire que la démocratie est un mauvais système et qu'il faudrait la remplacer. Le but de cette première partie est uniquement de souligner que la démocratie n'est pas parfaite et que si nous voulons gouverner la société humaine dans l'intérêt général à moyen et long terme, il faut associer la démocratie à des mesures complémentaires qui couvrent ses faiblesses et minimisent ses risques. C'est au fond ce que fait la République, dont je vais parler dans la 2ème partie. En réalité, nos sociétés occidentales développées ne sont pas des "simples démocraties" mais bien des "Républiques démocratiques" - autrement dit, le système de gouvernement est républicain, avec une (très forte) composante démocratique.