The Ultimate Question ...

Saturday, January 19, 2013

La France et le diesel

L'autre jour, j'ai lu un article qui mentionnait l'impressionnante "dieselisation" du parc automobile français. Je crois avoir vu le chiffre de 82% et je crois qu'il s'agissait de la proportion de motorisations diesel dans les voitures immatriculées en 2012. Si vous faites une recherche avec "dieselisation du parc automobile", un grand nombre d'articles en ressort. Un rapport du Sénat français sur le sujet choisit de mettre en avant la supériorité du diesel en termes de réduction des émissions de CO2 provenant du parc automobile. C'est vrai, le rendement des moteurs diesel étant supérieur, les voitures qui en sont équipées consomment moins et émettent par conséquent moins de CO2 dans l'atmosphère.

D'autres articles en revanche relèvent le problème de l'importante quantité d'oxydes d'azote et surtout de particules fines que ces moteurs dégagent, pollution spécifique ayant un effet nocif prouvé sur la santé. S'il est difficile d'argumenter qu'il faut désormais activement décourager les motorisations diesel pour éviter cette pollution aux particules fines des zones urbaines (après tout, il existe des voitures diesel équipées de filtres à particules, bien qu'elles ne soient pas encore suffisamment répandues), il est toutefois légitime de se demander s'il est justifié de continuer à favoriser fiscalement le diesel par rapport à l'essence, comme le fait la France, surtout dans une période économique dans laquelle le gouvernement est à la recherche de nouvelles ressources financières.

Pour savoir de quoi nous parlons, la France consomme environ 32 millions de tonnes de gazole par an et si on prend en compte la densité du gazole cela donne pas loin de 40 milliards de litres. Ramener la taxation du gazole au niveau de l'essence rajouterait 18 centimes d'euros au litre de gazole et rapporterait plus de 7 milliards d'euros au budget (à peu près équivalent au relèvement d'un point de la TVA).

Ramener le niveau de fiscalité du gazole à celui de l'essence serait donc une opération justifiée pour des raisons de santé publique (il n'y a pas de raison de favoriser fiscalement le diesel dès lors qu'on sait que sa combustion est plus nocive pour la santé que celle de l'essence) et pour des raisons budgétaires et reviendrait à fermer une "niche fiscale". Le gouvernement le sait mais s'il n'agit pas, c'est parce que, tactiquement parlant, il ne se sent pas en bonne position pour affronter les lobbys du gazole qui auraient la capacité de paralyser le pays.

Quels sont ces lobbys ? En premier lieu, tous les transporteurs routiers et syndicats de taxis mais aussi les pêcheurs. Les pêcheurs ne peuvent pas forcément beaucoup nuire, mais ils jouissent d'un capital de sympathie dans l'opinion publique qu'il ne faut pas négliger. Pour leur part, les chauffeurs routiers et les taxis pourraient facilement mettre le pays en état "d'arrêt cardiaque" en bloquant les axes de circulation.

Y'a-t-il néanmoins une façon de faire ? En fin de compte, on parle tout de même de 7 milliards par an, il me semble que cela vaut le coup de se pencher sur la question.

Comment peut-on l'emporter face à une telle opposition, comment vaincre les lobbys ? En théorie, il y a au moins deux façons: soit on les affronte directement, soit on les soudoie. Puisque je ne pense pas que le risque d'une défaite soit acceptable en cas d'affrontement direct, pourquoi ne pas explorer la deuxième possibilité. Certes, ce n'est pas très noble, mais dans pareil cas, la fin justifie les moyens.

En pratique, comment cela pourrait-il se faire ? Le gouvernement pourrait envoyer discrètement des émissaires pour rencontrer séparément les représentants des lobbys dont le soutien est jugé indispensable avec le message: "on veut faire cette réforme mais elle n'est pas dirigée contre vous, travaillons ensemble pour que vos entreprises restent viables". L'objectif est de gagner leur confiance pour collaborer vers une solution qui satisfait aussi bien les lobbys que le gouvernement. Certes, le dindon de la farce est le particulier, ce qui n'anoblit guère la démarche.

Sur la consommation de gazole française, environ 40% est le fait des quelques 42 000 entreprises de transport routier et logistique. Si on rajoute les taxis et les pêcheurs, on doit pas être loin de 50%. Ce que je proposerais (si j'étais le négociateur du gouvernement), serait un changement graduel, disons sur 10 ans. Cela commencerait par une inscription de chaque entreprise membre d'un des lobbys partenaires dans un registre spécial (RS). Les constructeurs automobiles devraient être également mis au courant en secret avant le publique pour qu'ils puissent prendre les mesures qui s'imposent au niveau de leurs stocks et mixes de production et lancer des campagnes marketing "prescientes". Enfin le public serait averti qu'après un délai (disons 6 mois), la TICPE (ancienne TIPP) sur le gazole augmenterait de 18 cents (pour être égale à celle sur l'essence). L'augmentation pourrait éventuellement être graduelle et s'étaler sur une période de 6 mois ou 1 an (pour éviter encore mieux à l'opinion l'effet de choc psychologique).

Sur les 7 mld et quelques récoltés lors de la première année pleine après alignement des taxes, 4 ou 4.5 (plus de la moitié donc) seraient reversés directement aux entreprises du RS. Elles seraient ainsi gagnantes la première année, en récupérant une somme supérieure à celle déboursée pour faire face à l'augmentation du prix. Ce reversement diminuerait ensuite graduellement, d'année en année, pour un effet nul sur les entreprises du RS après 2 ou 3 ans et pourrait ensuite continuer à déplacer le curseur (fonction du talent des négociateurs gouvernementaux) jusqu'à une répartition en année pleine de, disons, 5 mld pour l'Etat et 2 mld pour les entreprises du RS.

A moins que vous soyez un particulier français propriétaire d'une voiture diesel, je ne vois pas comment ce plan, qui contribuera à un air plus propre et à un budget de l'Etat un peu plus sain, pourrait ne pas vous plaire

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